-
NBA: Jalen Green brille pour ses débuts avec les Suns, vainqueurs des Clippers
-
Le Conseil de sécurité de l'ONU lève ses sanctions contre le président syrien
-
F1: Norris veut enfoncer le clou au Brésil
-
Tour d'Europe des stades: les Reds reverdissent, le Bayern chasse les records
-
Ligue 1: l'OL défie le PSG, Lens et l'OM en embuscade
-
Paralysie budgétaire: les Etats-Unis redoutent la pagaille dans les aéroports
-
Le typhon Kalmaegi fait cinq morts au Vietnam, après 188 aux Philippines
-
A la COP30, le front contre les énergies fossiles se réveille
-
Emmanuel Macron attendu au Mexique pour "resserrer les liens"
-
Nouveau report pour le jeux vidéo GTA VI, désormais attendu pour novembre 2026
-
Biathlon: Julia Simon, suspendue un mois ferme, pourra disputer les JO-2026
-
Ligue Europa: premier revers européen pour Lyon face au Betis Séville
-
Wall Street pique du nez, la tech en première ligne
-
Le président libanais condamne de nouvelles frappes israéliennes
-
Ligue Europa: plombé par Berke Özer, Lille s'incline à Belgrade
-
Ligue Europa: Nice, désespérant, s'effondre contre Fribourg
-
Sombre lancement pour la COP30 de Belem: les dirigeants constatent l'échec sur l'accord de Paris
-
Avec la nouvelle Twingo, Renault veut réveiller le marché des électriques "abordables"
-
Oléron: le suspect évoque des "ordres d'Allah", mais n'est pas lié à des "organisations terroristes"
-
Sommet climat: dans la touffeur amazonienne, les dirigeants tombent la cravate
-
Paris exhorte Bruxelles à "sévir" contre Shein
-
La Bourse de Paris clôture dans le rouge sous l'effet de prises de bénéfices
-
USA: abandon des poursuites pénales contre Boeing liées aux crashes du 737 MAX 8
-
Les Bourses européennes terminent en baisse, lestées par des prises de profits
-
Equipe de France: N'Golo Kanté à la rescousse
-
Argentine: procès-phare de corruption pour une Cristina Kirchner crépusculaire
-
Île d'Oléron: pas de saisine antiterroriste, le profil du suspect scruté
-
Wall Street sur ses gardes, entre valorisations records et incertitudes commerciales
-
Allemagne : Merz soutient la Commission européenne contre l’acier subventionné de Chine
-
"Cette loi joue avec nos vies": nouvelle menace sur les LGBT+ en Turquie
-
Vedette de la tech française, Doctolib sanctionnée pour des pratiques anticoncurrentielles
-
Shein: contrôle de 100% des colis issus de la plateforme à Roissy-CDG, selon Amélie de Montchalin
-
Des bijoux de plusieurs millions et une broche de Napoléon en vente à Genève
-
Liban: le Hezbollah rejette toute négociation avec Israël, affirme son droit à se défendre
-
La Banque d'Angleterre maintient son taux directeur à 4% après un vote serré
-
AstraZeneca continue de s'appuyer sur les Etats-Unis de Trump pour sa croissance
-
Une structure d'accueil pour dauphins au zoo de Beauval, le sort des cétacés du Marineland en suspens
-
Equateur : une ministre américaine visite des installations pouvant servir de base militaires
-
Criant au "délire fiscal", la droite veut reprendre la main sur le débat budgétaire
-
Léon XIV reçoit Mahmoud Abbas pour la première fois
-
Aux Etats-Unis, la paralysie budgétaire va déclencher l'annulation de milliers de vols
-
XV de France: une charnière inédite Le Garrec - Ntamack alignée d'entrée face aux Springboks
-
Paris a réduit d'un quart ses émissions de gaz à effet de serre en dix ans, selon une étude
-
Doctolib condamné à 4,6 millions d'euros d'amende pour abus de position dominante
-
La Bourse de Paris digère une nouvelle vague de résultats
-
Le Louvre a négligé la sécurité au profit de l'attractivité, critique la Cour des comptes
-
Quand Trump utilise l'IA pour se glorifier et dénigrer ses adversaires
-
Île d'Oléron: le suspect toujours en garde à vue, son profil scruté
-
"Racines du ciel" dans les savanes ivoiriennes: les éco-guerriers de la Comoé
-
Ligue Europa: Lyon vise le sans-faute, Lille à la relance
La Meuse rurale empoisonnée par l'héroïne la plus accessible de France
Verdun, la Meuse et la Grande Guerre. Les fantômes du passé côtoient une bataille plus insidieuse: l'héroïne, ce "poison brun", se répand dans les villes et les villages de ce département d'à peine 185.000 habitants frappé par la désertification économique.
Dans les points de deal meusiens, le "marron" devance largement la cocaïne et le cannabis. Entre 2014 et 2018, il représentait 35,9% des saisies de stupéfiants dans le département, contre moins de 5% dans le reste du pays.
La vigueur du marché s'explique d'abord par la proximité géographique avec les Pays-Bas et la Belgique, pays de stockage et de redistribution de l'héroïne. Et par son prix: "à Verdun, vous avez l'héroïne la moins chère de France, 20 euros le gramme en moyenne", souffle la procureure de la ville Sophie Partouche.
Le trafic artisanal, où un usager-revendeur faisait la route jusqu'à Maastricht pour ramener aux copains et ainsi payer sa consommation, dominait encore jusqu'à récemment.
Les réseaux se professionnalisent depuis quelques années, avec des trafiquants venus de Metz ou Nancy pour ouvrir des succursales en Meuse.
"Il s'agit d'un trafiquant froid qui ne consomme pas. Il recrute un relai consommateur pour monter un +bendo+ (la personne met à disposition du gérant son appartement contre des doses, NDLR)", décrypte Sofian Saboulard, procureur de la République de Bar-le-Duc.
Les procédés de la criminalité organisée s'implantent donc désormais dans ces zones rurales: les réseaux travaillent à flux tendu pour minimiser les pertes, utilisent des moyens cryptés et n'hésitent pas à user de méthodes violentes.
- Armes, enlèvements -
"Il y a en permanence quatre ou cinq points de deal à Verdun. Les Messins s'arrangent pour éradiquer les concurrents avec des armes, des enlèvements avec séquestration", détaille Mme Partouche, procureure de Verdun.
Dans la sous-préfecture de la Meuse, le trafic se fait aux yeux de tous, en plein quartier touristique, où les consommateurs défilent, très maigres, rues Saint-Sauveur ou Saint-Victor.
Un point de deal est démantelé en moyenne chaque mois à Verdun, avec l'intervention du RAID régulièrement. Même constat dans la zone Bar-le-Duc/Commercy, où une opération d'envergure en enquête préliminaire est mise en place tous les mois.
Si la rentabilité attire, c'est que la demande ne décroît pas. Les consommateurs qui expérimentent l'héroïne tôt dans leur vie peinent à se défaire de leur addiction.
Difficile de dresser le portrait-robot d'un consommateur d'héroïne: "il y a autant de profils de que patients", tranche Dominique Guirlet, médecin en addictologie et fondatrice de Centraid', le centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) du centre hospitalier de Verdun.
Ses patients ont tous les âges, sont à 70% des hommes et 30% des femmes. L'addictologue identifie deux populations: des consommateurs marginaux, précaires, avec un niveau d'étude assez bas, généralement autour de Verdun, et des personnes plus insérées dans le sud du département, vers Bar-le-Duc.
- "Plus de bière, j'ai pris de l'héroïne" -
Les consommateurs sont souvent originaires du territoire, où plus des deux tiers (74%) vivent dans une commune rurale, selon les données de l'Observatoire régional de la santé de 2019.
Ils sont majoritairement en échec d'insertion scolaire et/ou professionnelle - 26% de la population de plus de 15 ans non scolarisée n'a aucun diplôme (21% au niveau national).
"Qu'est-ce que vous faites de vos journées ?", demande la Dr Guirlet à son patient. "A Commercy ? Je me fais chier", lui répond Jérôme (prénom modifié), 30 ans, cheveux longs en arrière, positif à l'héroïne et au cannabis.
Même son de cloche pour Bernard (prénom modifié), la quarantaine bien avancée, crâne rasé et bouc autour des lèvres. Il consomme tous les jours.
"Je suis trop fragile, dès qu'il y a quelque chose qui ne va pas je craque...
- Mais il y a bien autre chose à faire de vos journées ?
- Faut toujours que je compense avec quelque chose. J'ai rien bu depuis deux ans".
Les histoires sont compliquées: des cellules familiales déstructurées avec un taux élevé de placement d'enfants, une grande précarité, des familles très jeunes.
"Certains ont une histoire très lourde avec un viol, des maltraitances. D'autres n'ont plus rien si on leur retire le produit, ils risquent de se foutre en l'air...", se désespère la médecin derrière ses grandes lunettes rondes.
La Dr Guirlet regorge d'énergie. Mais cette ancienne urgentiste doit composer avec des patients parfois d'un âge avancé, au comportement d'adolescent.
"L'addict est très centré sur lui même. Il aime ses enfants mais c'est une sorte de jouet. Il ne se privera pas pour l'autre. L'autre n'existe pas", analyse-t-elle.
Cédric a 44 ans. Le visage blême, un peu de sueur le long des tempes. Il pèse à peine 55 kg.
"Ce week-end j'étais mal, je n'avais plus de bière chez moi alors j'ai pris de l'héroïne", reconnaît-il, enfoncé dans son fauteuil.
- "Arrêter les conneries" -
Le produit est ancré en lui et dans l'histoire de sa famille. Il en sniffe depuis des années. Un de ses frères est mort d'une overdose, un autre en consomme. Depuis 2017, il suit un traitement de substitution à la méthadone, un opiacé pur prescrit pour lutter contre les effets du manque.
Seuls les praticiens hospitaliers ou les médecins de Csapa peuvent prescrire de la méthadone, qui est un stupéfiant.
Et dans ce département aussi frappé par la désertification médicale, il manque de médecins non seulement pour prescrire mais pour assurer le suivi des patients.
"Cela fait des années qu'il n'y a pas de médecin qui puisse délivrer d'injonctions thérapeutiques. Le seul cadre qui nous reste c'est le sursis probatoire avec obligation de soins", souligne la procureure Sophie Partouche.
Parfois, le parcours de soins ne suffit pas et la tentation est trop forte.
"C'est pas évident d'arrêter les conneries... Quand je suis au boulot, je ne tape rien", assure Eric (prénom modifié), employé d'une fromagerie, la cinquantaine, quelques dents en moins.
Il est suivi depuis des années par la Dr Guirlet. "Dès que je rentre chez moi ça cogite, je sais pas quoi faire. Alors je tape (sniffe, NDLR), pour oublier ma vie. D'abord ça va mieux. Puis après je suis malade, pas loin du suicide", peste-t-il.
La médecin rencontre aussi les toxicomanes en prison. Elle propose aux patients un sevrage de quinze jours.
- Deuil du produit -
"La maison d'arrêt de Bar-le-Duc, c'est un centre de remise en forme", ironise-t-elle. "Dedans c'est facile, il y a moins de tentations, même si le produit circule".
Christophe a 44 ans. Il sort de sa cellule pour son rendez-vous avec la docteur, l'air ahuri, la peau sur les os. On lui a diagnostiqué une hépatite C.
"Je vais arrêter de m'injecter l'héroïne, je vais la sniffer je pense, promet-il.
- Arrêter la toxicomanie, ce n'est pas envisageable ? interroge la docteur.
- Non, c'est trop dur..."
Pour se débarrasser de leurs addictions, certains font le choix de filer loin d'ici. "Quitter la Meuse c'est fuir, pas guérir", oppose la Dr Guirlet. "J'ai un patient qui est parti pendant des années. Il est revenu à Verdun, en une heure il a replongé."
Il est quand même possible de sortir de l'engrenage: Ludovic (prénom modifié), la quarantaine, les yeux clairs comme son teint, en a fait l'expérience. C'est son avant-dernière consultation à l'hôpital de Bar-le-Duc.
"J'ai assez galéré comme ça pour tourner en rond", lance-t-il avec un accent meusien à couper au couteau. Il eu le déclic en 2017, quand la juge lui a dit qu'à 35 ans c'était sa dernière chance de se reprendre en main.
Il a fait le deuil du produit mais craint de voler de ses propres ailes. "J'ai peur de ne plus prendre de traitement", explique-t-il au médecin.
"C'est une béquille. Vous allez y arriver", sourit la Dr Guirlet.
O.Lorenz--BTB