
-
Ukraine: l'émissaire de Trump attendu en Russie cette semaine
-
L'avenir d'Altice France conditionné à une décision cruciale sur sa dette
-
Effondrement d'une mine au Chili: les cinq mineurs retrouvés morts
-
Athlétisme: Sha'Carri Richardson échoue en demi-finales du 200 m aux sélections américaines
-
Brésil : manifestations pro-Bolsonaro après les sanctions américaines
-
Vidéos d'otages israéliens à Gaza: Netanyahu demande l'aide du CICR, le Hamas pose ses conditions
-
Cyclisme: Le coup de maître de Ferrand-Prévot
-
Tour de France: Pauline Ferrand-Prévot, l'étoile mystérieuse
-
Cyclisme: La Française Pauline Ferrand-Prévot remporte le Tour de France
-
Athlétisme: "C'est fini" pour Pascal Martinot-Lagarde, qui met fin à sa carrière au bout de l'émotion
-
L'étudiante gazaouie accusée de propos antisémites a quitté la France pour le Qatar
-
Athlétisme: Kwaou-Mathey sous les 13 secondes aux Championnats de France, Lavillenie retrouve le titre
-
Vidéos d'otages israéliens à Gaza: Netanyahu demande l'aide du CICR
-
Le record de Marchand, les exploits de Ledecky et McIntosh: les temps forts des Mondiaux de natation
-
F1: vainqueur en Hongrie, Norris offre à McLaren une 200e victoire en GP devant Piastri
-
USA: les droits de douane sont "quasiment définitifs", selon le représentant au Commerce
-
Mondiaux de natation: Léon Marchand et les Bleus terminent en beauté
-
Mondiaux de natation: le relais français en argent sur 4x100 m 4 nages
-
Pétrole: L'Opep+ achève un cycle de hausse de production
-
Mondiaux de natation: Léon Marchand remporte largement le 400 m 4 nages
-
Vidéos d'otages israéliens à Gaza: Israël sous le choc
-
Jubilé: plus d'un million de fidèles à la messe de clôture du pape
-
Les Argentins captivés par la retransmission en direct d'un robot sous-marin
-
Le Nobel de la paix, obsession de Trump
-
Comment payer le loyer ? L'autre crise provoquée par les opérations antimigrants de Trump
-
Gaza : chaos et tirs indiscriminés empêchent l'aide de parvenir aux plus vulnérables
-
En Slovénie, ces fières "deux-chevaux" qui avalent la route à pas de tortue
-
Origine florale, provenance: dans les coulisses de l'analyse des miels
-
Vidéos d'otages israéliens à Gaza: Netanyahu "consterné", s'entretient avec les familles
-
Assange parmi des dizaines de milliers de manifestants pro-palestiniens à Sydney
-
Pétrole: dernière salve de l'Opep+ attendue avant une pause
-
Un musée de Washington réfute avoir retiré des références à Trump sous pression politique
-
Athlétisme: McLaughlin-Levrone et Russell se qualifient pour les Mondiaux de Tokyo
-
Le pape accueilli en rock star par les jeunes catholiques pour une veillée de Jubilé
-
Nouveaux heurts lors de manifestations anti-migrants au Royaume-Uni
-
Jubilé: arrivée du pape en hélicoptère devant une foule en liesse à Rome
-
Cyclisme: Pauline Ferrand-Prévot assomme le Tour de France
-
F1: Charles Leclerc partira en pole position du GP de Hongrie, devant les McLaren
-
A Rome, des foules de jeunes catholiques attendent le pape avec impatience
-
A Genève, une nouvelle chance pour un traité contre la pollution plastique jusqu'au 14 août
-
Mondiaux de natation: Maxime Grousset, papillon doré
-
Washington ou Houston: où exposer l'emblématique navette spatiale américaine Discovery?
-
Natation: l'Américaine Katie Ledecky championne du monde du 800 m nage libre pour la 7e fois
-
Tennis: pas suffisamment remise, Boisson déclare forfait pour le WTA 1000 de Cincinnati
-
Mondiaux de natation: deuxième titre de la semaine pour Maxime Grousset, en or sur 100 m papillon
-
L'émissaire américain rencontre des proches d'otages à Tel-Aviv
-
La Turquie a commencé à fournir du gaz naturel azerbaïdjanais à la Syrie
-
Chassé-croisé: plus de 1.000 km de bouchons sur la route des vacances
-
Toronto/Montréal: Fils battu par Lehecka au 3e tour, plus de Français en lice
-
La capsule Crew Dragon de SpaceX arrimée à l'ISS

La Meuse rurale empoisonnée par l'héroïne la plus accessible de France
Verdun, la Meuse et la Grande Guerre. Les fantômes du passé côtoient une bataille plus insidieuse: l'héroïne, ce "poison brun", se répand dans les villes et les villages de ce département d'à peine 185.000 habitants frappé par la désertification économique.
Dans les points de deal meusiens, le "marron" devance largement la cocaïne et le cannabis. Entre 2014 et 2018, il représentait 35,9% des saisies de stupéfiants dans le département, contre moins de 5% dans le reste du pays.
La vigueur du marché s'explique d'abord par la proximité géographique avec les Pays-Bas et la Belgique, pays de stockage et de redistribution de l'héroïne. Et par son prix: "à Verdun, vous avez l'héroïne la moins chère de France, 20 euros le gramme en moyenne", souffle la procureure de la ville Sophie Partouche.
Le trafic artisanal, où un usager-revendeur faisait la route jusqu'à Maastricht pour ramener aux copains et ainsi payer sa consommation, dominait encore jusqu'à récemment.
Les réseaux se professionnalisent depuis quelques années, avec des trafiquants venus de Metz ou Nancy pour ouvrir des succursales en Meuse.
"Il s'agit d'un trafiquant froid qui ne consomme pas. Il recrute un relai consommateur pour monter un +bendo+ (la personne met à disposition du gérant son appartement contre des doses, NDLR)", décrypte Sofian Saboulard, procureur de la République de Bar-le-Duc.
Les procédés de la criminalité organisée s'implantent donc désormais dans ces zones rurales: les réseaux travaillent à flux tendu pour minimiser les pertes, utilisent des moyens cryptés et n'hésitent pas à user de méthodes violentes.
- Armes, enlèvements -
"Il y a en permanence quatre ou cinq points de deal à Verdun. Les Messins s'arrangent pour éradiquer les concurrents avec des armes, des enlèvements avec séquestration", détaille Mme Partouche, procureure de Verdun.
Dans la sous-préfecture de la Meuse, le trafic se fait aux yeux de tous, en plein quartier touristique, où les consommateurs défilent, très maigres, rues Saint-Sauveur ou Saint-Victor.
Un point de deal est démantelé en moyenne chaque mois à Verdun, avec l'intervention du RAID régulièrement. Même constat dans la zone Bar-le-Duc/Commercy, où une opération d'envergure en enquête préliminaire est mise en place tous les mois.
Si la rentabilité attire, c'est que la demande ne décroît pas. Les consommateurs qui expérimentent l'héroïne tôt dans leur vie peinent à se défaire de leur addiction.
Difficile de dresser le portrait-robot d'un consommateur d'héroïne: "il y a autant de profils de que patients", tranche Dominique Guirlet, médecin en addictologie et fondatrice de Centraid', le centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) du centre hospitalier de Verdun.
Ses patients ont tous les âges, sont à 70% des hommes et 30% des femmes. L'addictologue identifie deux populations: des consommateurs marginaux, précaires, avec un niveau d'étude assez bas, généralement autour de Verdun, et des personnes plus insérées dans le sud du département, vers Bar-le-Duc.
- "Plus de bière, j'ai pris de l'héroïne" -
Les consommateurs sont souvent originaires du territoire, où plus des deux tiers (74%) vivent dans une commune rurale, selon les données de l'Observatoire régional de la santé de 2019.
Ils sont majoritairement en échec d'insertion scolaire et/ou professionnelle - 26% de la population de plus de 15 ans non scolarisée n'a aucun diplôme (21% au niveau national).
"Qu'est-ce que vous faites de vos journées ?", demande la Dr Guirlet à son patient. "A Commercy ? Je me fais chier", lui répond Jérôme (prénom modifié), 30 ans, cheveux longs en arrière, positif à l'héroïne et au cannabis.
Même son de cloche pour Bernard (prénom modifié), la quarantaine bien avancée, crâne rasé et bouc autour des lèvres. Il consomme tous les jours.
"Je suis trop fragile, dès qu'il y a quelque chose qui ne va pas je craque...
- Mais il y a bien autre chose à faire de vos journées ?
- Faut toujours que je compense avec quelque chose. J'ai rien bu depuis deux ans".
Les histoires sont compliquées: des cellules familiales déstructurées avec un taux élevé de placement d'enfants, une grande précarité, des familles très jeunes.
"Certains ont une histoire très lourde avec un viol, des maltraitances. D'autres n'ont plus rien si on leur retire le produit, ils risquent de se foutre en l'air...", se désespère la médecin derrière ses grandes lunettes rondes.
La Dr Guirlet regorge d'énergie. Mais cette ancienne urgentiste doit composer avec des patients parfois d'un âge avancé, au comportement d'adolescent.
"L'addict est très centré sur lui même. Il aime ses enfants mais c'est une sorte de jouet. Il ne se privera pas pour l'autre. L'autre n'existe pas", analyse-t-elle.
Cédric a 44 ans. Le visage blême, un peu de sueur le long des tempes. Il pèse à peine 55 kg.
"Ce week-end j'étais mal, je n'avais plus de bière chez moi alors j'ai pris de l'héroïne", reconnaît-il, enfoncé dans son fauteuil.
- "Arrêter les conneries" -
Le produit est ancré en lui et dans l'histoire de sa famille. Il en sniffe depuis des années. Un de ses frères est mort d'une overdose, un autre en consomme. Depuis 2017, il suit un traitement de substitution à la méthadone, un opiacé pur prescrit pour lutter contre les effets du manque.
Seuls les praticiens hospitaliers ou les médecins de Csapa peuvent prescrire de la méthadone, qui est un stupéfiant.
Et dans ce département aussi frappé par la désertification médicale, il manque de médecins non seulement pour prescrire mais pour assurer le suivi des patients.
"Cela fait des années qu'il n'y a pas de médecin qui puisse délivrer d'injonctions thérapeutiques. Le seul cadre qui nous reste c'est le sursis probatoire avec obligation de soins", souligne la procureure Sophie Partouche.
Parfois, le parcours de soins ne suffit pas et la tentation est trop forte.
"C'est pas évident d'arrêter les conneries... Quand je suis au boulot, je ne tape rien", assure Eric (prénom modifié), employé d'une fromagerie, la cinquantaine, quelques dents en moins.
Il est suivi depuis des années par la Dr Guirlet. "Dès que je rentre chez moi ça cogite, je sais pas quoi faire. Alors je tape (sniffe, NDLR), pour oublier ma vie. D'abord ça va mieux. Puis après je suis malade, pas loin du suicide", peste-t-il.
La médecin rencontre aussi les toxicomanes en prison. Elle propose aux patients un sevrage de quinze jours.
- Deuil du produit -
"La maison d'arrêt de Bar-le-Duc, c'est un centre de remise en forme", ironise-t-elle. "Dedans c'est facile, il y a moins de tentations, même si le produit circule".
Christophe a 44 ans. Il sort de sa cellule pour son rendez-vous avec la docteur, l'air ahuri, la peau sur les os. On lui a diagnostiqué une hépatite C.
"Je vais arrêter de m'injecter l'héroïne, je vais la sniffer je pense, promet-il.
- Arrêter la toxicomanie, ce n'est pas envisageable ? interroge la docteur.
- Non, c'est trop dur..."
Pour se débarrasser de leurs addictions, certains font le choix de filer loin d'ici. "Quitter la Meuse c'est fuir, pas guérir", oppose la Dr Guirlet. "J'ai un patient qui est parti pendant des années. Il est revenu à Verdun, en une heure il a replongé."
Il est quand même possible de sortir de l'engrenage: Ludovic (prénom modifié), la quarantaine, les yeux clairs comme son teint, en a fait l'expérience. C'est son avant-dernière consultation à l'hôpital de Bar-le-Duc.
"J'ai assez galéré comme ça pour tourner en rond", lance-t-il avec un accent meusien à couper au couteau. Il eu le déclic en 2017, quand la juge lui a dit qu'à 35 ans c'était sa dernière chance de se reprendre en main.
Il a fait le deuil du produit mais craint de voler de ses propres ailes. "J'ai peur de ne plus prendre de traitement", explique-t-il au médecin.
"C'est une béquille. Vous allez y arriver", sourit la Dr Guirlet.
O.Lorenz--BTB