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Mexique: une justice gangrénée par la corruption, l'impunité et la fabrique de faux coupables
Mexique: une justice gangrénée par la corruption, l'impunité et la fabrique de faux coupables / Photo: © AFP

Mexique: une justice gangrénée par la corruption, l'impunité et la fabrique de faux coupables

Plus de dix ans que les parents des 43 étudiants disparus d'Ayotzinapa demandent justice au Mexique. Presque 20 ans qu'Israel Vallarta, l'ex-compagnon de la Française Florence Cassez, est en détention préventive, accusé sans jugement d'être à la tête d'un gang de ravisseurs.

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A l'image de ces deux affaires qui ont dépassé les frontières, le système judiciaire mexicain est accusé de générer de l'injustice, de l'impunité ou d'inventer des faux coupables.

C'est avec le but affiché de lutter contre la "corruption" du pouvoir judiciaire que le gouvernement de gauche appelle les quelque 100 millions d'électeurs mexicains à désigner dimanche tous les juges et les magistrats du pays, jusqu'à la Cour suprême. La participation est incertaine.

- Dix ans de galère -

"Cela fait 10 ans et nous sommes toujours dans la même galère", affirme Estanislao Mendoza, 65 ans, père de Miguel Ángel, l'un des 43 étudiants disparus dans l'État de Guerrero, au sud du pays, en septembre 2014.

Le cas des étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa est la pointe de l'iceberg de la "tragédie humaine", dixit les Nations unies, des plus de 120.000 disparu(e)s au Mexique.

Trois gouvernements, des experts internationaux, de multiples versions, une ex-juge récemment arrêtée pour dissimulation présumée de preuves: aucune condamnation n'a été prononcée dans cette affaire.

Seuls les restes calcinés de trois victimes ont été retrouvés.

Dimanche, Estanislao Mendoza n'a pas l'intention d'aller voter. Comment puis-je le faire si "je ne sais rien d'eux"?, s'interroge-t-il au sujets des candidats.

Le dernier rapport d'une commission d'enquête sur l'affaire Ayotzinapa fait état de 151 personnes poursuivies et 90 libérées (25 faute de preuves et 65 pour avoir été torturées).

- Famille stigmatisée -

Au Mexique, une affaire peut en cacher une autre. En janvier 2013, Florence Cassez avait été libérée après plus de sept ans de prison sur décision de la Cour suprême pour vice de forme.

La Française avait été condamnée à de une lourde peine de prison, accusée d'être à la tête d'un gang de ravisseurs avec son ex-compagnon Israel Vallarta. Elle a toujours clamé son innocence et elle avait reçu le soutien du président français de l'époque Nicolas Sarkozy.

Près de 20 ans après leur arrestation, Israel Vallarta, lui, reste toujours en détention préventive, "toujours sans jugement" au terme d'une procédure interminable, se désole sa soeur Lupita devant des milliers de pages de procédure.

Au total six membres de la famille ont été arrêtés pour complicité présumée avec l'homme dont l'arrestation en 2005 avec la Française avait fait l'objet d'une mise en scène pour les caméras de télévision. Deux de ses proches, son frère Mario et son neveu Sergio, arrêtés en 2012, sont également toujours emprisonnés.

Egalement arrêtés et torturés en 2009 pour complicité présumée, René, un frère, et deux autres neveux, Juan Carlos et Alejandro, ont été acquittés en 2016 du délit de "délinquance organisée » et d’"enlèvement".

"J’ai été en prison six ans et neuf mois pour mon nom de famille", résume Alejandro en racontant son arrestation alors qu'il se rendait au garage de son oncle à Mexico en mai 2009. Des hommes en civil sont arrivés. "Ils disent : ah tu es un Vallarta ? Des coups, des coups, des coups. Ils nous emmènent à la salle de torture. Là, ils nous disent que nous devions dénoncer Israel et Florence (...) en disant que nous étions membres du fameux gang des Zodiaques, qui n’existe pas".

Le système judiciaire est vicié par la "corruption", affirme Alejandro à l'AFP. "Je l'ai vécu dans ma chair".

"Quelque chose doit changer", ajoute l'homme qui ira voter dimanche.

- Saumon à contre-courant -

Armando Olmeda, un maçon de 55 ans, compare la recherche de son fils à la progression d'un saumon à contre-courant.

Son calvaire a commencé en août 2023 lorsque Roberto Carlos, un étudiant de 22 ans, a disparu avec quatre amis d'enfance à Lagos de Moreno (ouest), prétendument aux mains de trafiquants de drogue.

L'affaire a choqué car une vidéo enregistrée par les criminels montre les jeunes hommes torturés et obligés de s'achever les uns les autres.

L'enquête a conduit à la découverte de restes humains dans un four à briques où les garçons "ont été incinérés", selon Daniel Espinosa, président du pouvoir judiciaire de l'Etat du Jalisco. Mais le responsable a précisé plus tard que les restes n'avaient pas été identifiés.

"Il a manqué d'éthique", accuse Olmeda.

Cinq suspects sont poursuivis.

Selon les chiffres officiels, en 2023, les parquets des États ont ouvert 27.957 enquêtes pour homicide volontaire, mais seulement 6% ont abouti à une condamnation.

P.Keller--VB